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VERoulution ?

Que ce soit dans les médias, dans notre consommation, ou en politique, l’écologie semble être le nouveau crédo de nos sociétés contemporaines. Décrit comme un phénomène de mode ou comme le résultat d’un engagement politique, l’écologisme n’en n’est pas moins un phénomène d’ampleur considérable dont il est aujourd’hui difficile d'en mesurer la portée.
De mon point de vue, l’écologisme est toujours appréhendé sous un angle particulier en relation avec un phénomène d'actualité, que ce soit une catastrophe naturelle, l’invention d’un procédé dit ‘‘vert‘‘ ou l’analyse du programme d’un parti écolo. C’est pourquoi « Grabuge » vous propose un angle se voulant plus global sur le phénomène.

L’écologisme est un courant de pensée autant qu’une pratique de vie qui recouvre un large panel de point de vue et d’orientations différentes allant de l’anarcho-primitivisme au grenelle de l’environnement sarkozyste...

D’un bout à l’autre de ces courants aux solutions parfois diamétralement opposées, se trouve un même constat : l’organisation humaine telle que nous la connaissons n’est pas compatible avec le maintien de la biodiversité et donc de l’être humain sur le long terme. Afin d’achever ce paragraphe d’enfonçage de portes ouvertes, disons que l’écologisme tend à faire du respect environnemental et de la promotion d’une vie plus saine le centre de ses priorités.

L’impossible capitalisme vert (Tanuro 2010)

Ce qui est intéressant dans l’écologisme est qu’il est incarné par des individus aux intérêts totalement divergents.

En effet que l’on soit activiste radical luttant contre la déforestation ou patron de centrale nucléaire, tout le monde est d’accord pour manger bio à la campagne de temps en temps. Ainsi le phénomène étant perçu comme une mode par les entrepreneurs, amène ceux-ci à faire de leurs produits un marché respectueux de l’environnement sans pour autant que soit remis en cause le processus éthique de production, à savoir le respect des intérêts de l’être humain qui est derrière ce processus.
L’écologisme est dans ce cas perçu comme une tendance sans corrélation avec l’environnement de travail qui conduit à la réalisation de ces produits.
Cet effet contradictoire est le fruit d’un écologisme resté centré sur le profit et dont le questionnement plus profond des rapports humains est une question non-avenue. En effet un tel questionnement reviendrait à remettre en cause le principe même de production industrielle et de plus-value standardisée qui est l’élément central de l’enrichissement de ces entreprises. Un produit réellement écologique reviendrait à décentraliser les centres productifs pour les ramener à une échelle locale et donc consciente de la réelle demande des acteurs de cet environnement local.
Pour faire simple, acheter un produit labellisé bio dans un pays d’Amérique latine aux conditions de travail méconnues n’est pas plus respectueux de l’environnement que d’acheter des légumes au marché et des produits locaux sans label. La consommation de produits sains est donc assurément une amélioration pour les conditions de vies, à condition que cette consommation soit contextualisée et établie en connaissance de cause des processus de production, sans quoi le coté vert du capitalisme ne reviendrait qu’à être un ornement de plus aux mécanismes de soumissions, permettant à ce système économique de perdurer.


L’écologisme comme acteur géopolitique

Un autre élément apparaissant fondamental dans les changements augurés par l’écologisme est sa propension à modifier les rapports entre nations. Depuis que celles-ci s’affirment et veulent toujours s’affirmer, tous les pays de cette planète ont eu besoin d’assurer la production de leurs ressources dans le but d'acquérir une place élevée dans la hiérarchie planétaire.
Cette histoire de quête de ressources est en effet celle des empires qu’ils fussent coloniaux comme l’Espagne, la France ou l’Angleterre ou plus clairement économiques comme L’URSS ou les USA (bien qu’ils soient tous plus ou moins emprunts d’idéologisme).

La possibilité ouverte par les méthodes de productions écologiques de subvenir aux besoins énergétiques constitue en effet une révolution dans le domaine géopolitique.
Les guerres nationales pour des enjeux d’extraction de matières premières vont en effet peu à peu perdre de leur pertinence à mesure que les états se voient dotés d’infrastructures leur permettant l’indépendance énergétique.
En effet le vent, le soleil et les forces de marées motrices semblent être des éléments bien plus difficiles à être concentrés dans les mains d’une seule puissance. A titre d’exemple, les rapports post-coloniaux qui caractérisent les relations ex-empires/ex-colons sont basés essentiellement sur des questions de priorité quant aux marchés de ressources fossilifères des ex-colonisés en échange d’une absence de critique, si ce n’est un soutien aux dictatures, de la part des anciens empires coloniaux pour ces dictateurs.

Il en va de même pour la Russie, qui, étant le principal fournisseur européen en gaz, peut se permettre d’essuyer toutes critiques de ses partenaires en matière démocratique tant que ceux-ci dépendent de ses ressources. D’autant plus que dans cette dictature électorale qu’est la Russie, l’importance du phénomène guerrier incarné par Poutine (apparaissant parfois en tenue de commandant de chef des armées) tient un rôle primordiale dans le maintien de la censure. Il justifie par de prétendues menaces faites à l’influence russe, le fait qu'un homme fort sans opposition doit gouverner le pays pour subvenir aux besoins de la population.
Bien que je ne doute pas dans la capacité de Poutine à trouver d'autres motifs que des ressources pour mener des guerres utiles à son maintien au pouvoir, la crédibilité de ces conflits ne pourront être qu'affaiblis par la réduction de la valeur des matières fossiles. On peut en effet se demander quel sera l’avenir de ces relations dans un monde tendant vers l’indépendance énergétique.

L’écologisme, une philosophie mondiale ?

En ce qui concerne le coté idéologique de l’écologisme, on doit lui reconnaître une force qui est de n’avoir pas de dogme fixe et délimité. C’est sûrement ce pourquoi l’on peine à lui donner un visage, il n’empêche que cette absence de ligne directive qui peut aujourd’hui apparaître comme une faiblesse, est peut-être le point d’orgue de ce que l’écologisme a ou va avoir de révolutionnaire. En effet cette idée n’est et ne peut être incarnée par un seul homme, une seule institution, ou un seul combat. Elle se doit d’être partagée et réfléchie de bas en haut de l’échelle sociale sous toutes les latitudes de la planète.
Ce mouvement participe à mettre fin à l’idée qu’un livre tel que la Bible ou Le capital, ou un homme tel Jésus ou Marx sont la vérité à suivre. Promouvant ainsi l'idée que les modèles d’organisations choisis doivent être le fruit de ceux auxquels ils s’appliquent s’il se veulent être respectueux de tous ceux qui composent son environnement. Car on ne peut prétendre respecter un environnement sans respecter celles et ceux qui y vivent.
De plus, la prise de conscience quant aux agissements de l’être humain sur son milieu passe nécessairement par une prise de conscience de l’existence du système environnemental voisin. En ce sens que l’être humain ne peut entièrement contrôler son milieu si son voisin n’en fait pas de même, amenant un rapport mutuel de respect sans quoi l’écologisme n’aurait aucune pertinence. On ne peut pas être écologiste tout seul, ni pour soi.
Ce qui me fait porter tant d’espoir dans ce qu’est la prise de conscience environnementale est que, telle la nature qu’elle veut respecter, ce mouvement ne connaît pas de frontière. Des manifestations antinucléaires chinoises aux ‘’résistants’’ de Notre-Dames-des-Landes, des vieux prenant conscience qu’ils ont perdu au change, aux jeunes ayant averti que ce qui reste de nature est à vendre, des hippies vendeurs de brocoli aux insurgés du mouvement No-Tav, l’écologisme prend mille formes, qui, bien que divergentes tendent vers une prise de conscience planétaire.
Cependant, comme tout changement sociétal significatif, celui que nous vivons à travers l’écologisme n’est pas et ne peut être le résultat du changement des managers de ce monde. Il ne peut être que le résultat d’une lutte quotidienne de chacun-e dans son rapport au monde et donc aux autres. Il ne suffira donc pas de laisser le vent tourner dans nos éoliennes, ou le soleil brûler ce monde de mépris pour apporter un environnement de paix au genre humain. C'est pourquoi les récoltes que nous connaîtrons demain ne seront que la conséquence des révoltes que nous semons aujourd’hui.

Posté le 11/02/2013


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